KANT: Les jugements synthétiques a priori

KANT : LES JUGEMENTS SYNTHÉTIQUES A PRIORI

CRITIQUE DE LA RAISON PURE, Introduction

Traduction de A. Trémesaygues et B. Pacaud

Paris, Éd. P.U.F., Coll. « Quadrige – Grands textes », 2004, p. 37-39

 

 

Dans tous les jugements où est pensé le rapport d’un sujet à un prédicat (je ne considère que les jugements affirmatifs, car ce que j’en dirai s’appliquera ensuite facilement aux jugements négatifs), ce rapport est possible de deux manières. Ou le prédicat B appartient au sujet A comme quelque chose qui est contenu (implicitement) dans ce concept A, ou B est entièrement en dehors du concept A, quoiqu’il soit, à la vérité, en connexion avec lui. Dans le premier cas, je nomme le jugement analytique, dans l’autre synthétique. Ainsi les jugements (les affirmatifs) sont analytiques quand la liaison du prédicat au sujet y est pensée par identité, mais on doit appeler jugements synthétiques ceux en qui cette liaison est pensée sans identité. On pourrait aussi nommer les premiers explicatifs, les autres extensifs, car les premiers n’ajoutent rien au concept du sujet par le moyen du prédicat, mais ne font que le décomposer par l’analyse en ses concepts partiels qui ont été déjà (bien que confusément) pensés en lui, tandis qu’au contraire les autres ajoutent au concept du sujet un prédicat qui n’avait pas été pensé en lui et qu’on n’aurait pu en tirer par aucun démembrement. Par exemple, lorsque je dis que « tous les corps sont étendus », j’énonce un jugement analytique, Car je n’ai pas besoin de sortir du concept que je lie au mot « corps » pour trouver l’étendue unie à lui, mais je n’ai qu’à décomposer ce concept, c’est-à-dire qu’à prendre conscience du divers que je pense en lui, pour y trouver ce prédicat ; ce jugement est donc analytique. Au contraire, lorsque je dis que « tous les corps sont pesants », ici le prédicat est tout à fait différent de ce que je pense dans le simple concept d’un corps en général. L’adjonction de ce prédicat donne par conséquent un jugement synthétique.

D’où résulte clairement : 1° que les jugements analytiques n’étendent pas du tout nos connaissances, mais seulement développent le concept que j’ai déjà et me le rendent intelligible à moi-même ; 2° que dans les jugements synthétiques, je dois avoir en dehors du concept du sujet quelque chose encore (X) sur quoi l’entendement s’appuie pour reconnaître qu’un prédicat qui n’est pas contenu dans ce concept lui appartient cependant.

Dans les jugements empiriques ou d’expérience, il n’y a pas du tout de difficulté à cela. Car cet X est l’expérience complète de l’objet que je pense par le concept A, lequel ne constitue qu’une partie de cette expérience. En effet, quoique je n’inclue pas déjà dans le concept d’un corps en général le prédicat de la pesanteur, ce concept n’en désigne pas moins une partie de l’expérience totale, et à cette partie je peux donc ajouter encore d’autres parties de cette même expérience comme appartenant au concept de l’objet. Je puis à l’avance connaître le concept de corps analytiquement par les caractères d’étendue, d’impénétrabilité, de figure, etc., qui tous sont pensés dans ce concept. Mais si maintenant j’étends ma connaissance et que je reporte mes yeux sur l’expérience d’où j’ai tiré ce concept de corps, je trouve aussi la pesanteur toujours liée aux caractères précédents. L’expérience est donc cet X qui est en dehors du concept A et sur lequel se fonde la possibilité de la synthèse du prédicat B de la pesanteur avec le concept A.

Mais dans les jugements synthétiques a priori, je suis entièrement privé de ce moyen. Si je dois sortir du concept A pour en connaître un autre, B, comme lié avec lui, sur quoi pourrai-je m’appuyer et qu’est-ce qui rendra la synthèse possible, alors qu’ici je n’ai pas l’avantage de m’orienter dans le champ de l’expérience ? Soit la proposition : « Tout ce qui arrive a une cause ». Dans le concept de quelque chose qui arrive, je conçois, il est vrai, une existence que précède un temps, etc., et de là se laissent tirer des jugements analytiques. Mais le concept d’une cause est tout à fait en dehors de ce concept-là et montre quelque chose de distinct de ce qui arrive ; il n’est donc nullement contenu dans cette dernière représentation. Comment parvenir alors à dire, de ce qui arrive en général, quelque chose qui en est entièrement distinct et à connaître le concept de cause, quoique non contenu dans celui de ce qui arrive, comme lui appartenant cependant et même nécessairement ? Quel est ici l’inconnu X sur quoi s’appuie l’entendement quand il croit trouver, hors du concept de A, un prédicat B qui lui est étranger mais qui est toutefois lié à ce concept ?

 

 

Trois propositions, trois affirmations que personne n’aurait l’idée de mettre en doute, sont successivement prises pour exemples dans ce texte. La première énonce que « tous les corps sont étendus », la deuxième que « tous les corps sont pesants » et la troisième que « tout ce qui arrive a une cause ». Ces trois propositions, Kant les présente comme des « jugements ». Nous avons coutume de désigner par ce mot des phrases telles que « il est coupable », ou « elle est compétente ». Énoncer un jugement, c’est attribuer un certain « prédicat » (« coupable », « compétente ») à un certain « sujet » (« il » ou « elle »), c’est soutenir que ce prédicat est bien celui qu’il faut « lier » au sujet en question (ou bien, au contraire, celui qu’il faut précisément ne pas lier à ce sujet : le jugement est alors « négatif »)

C’est à cette « liaison » du prédicat au sujet que Kant s’intéresse ici. S’il prend trois exemples de jugements, c’est parce qu’il y a, explique-t-il, trois liaisons différentes possibles. Pour autant, dresser le catalogue complet des formes de jugements n’est pour lui qu’un moyen : son objectif véritable est de cerner l’une seulement des trois formes, l’une des trois liaisons possibles, la troisième et dernière, celle qu’il baptise « jugement synthétique a priori » et qui trouve son illustration dans la proposition « Tout ce qui arrive a une cause ». Pourquoi Kant n’aborde-t-il cette forme de jugement qu’après avoir analysé les deux autres ? Parce qu’il ne peut définir le jugement « synthétique a priori » sans l’avoir différencié, d’abord des jugements qui ne sont pas « synthétiques », mais « analytiques » (exemple : « tous les corps sont étendus »), ensuite des jugements qui sont bien synthétiques comme lui, mais « empiriques » et non « a priori » (exemple : « tous les corps sont pesants »). Et qu’est-ce qui rend cette troisième forme de jugement, cette troisième forme de liaison sujet-prédicat, plus intéressante aux yeux de Kant que les deux premières ? Son caractère mystérieux, énigmatique, la difficulté de comprendre pourquoi notre « entendement » attribue en toute certitude le prédicat « avoir une cause » au sujet « tout ce qui arrive », « sur quoi » il « s’appuie » pour le faire, « sur quoi se fonde » la « possibilité » de cette liaison dont personne ne doute. Ce problème de fondement, de point d’appui, de condition de possibilité, il ne se pose même pas pour un jugement analytique tel que « tous les corps sont étendus ». Il se pose, mais peut être résolu sans « difficulté », pour un jugement synthétique empirique tel que « tous les corps sont pensants ». Il n’y a que pour les jugements synthétiques a priori, affirme Kant dans ce texte d’introduction à la Critique de la raison pure, que le problème se pose et que sa solution soit encore à découvrir : il ne faudra pas moins que l’ensemble de l’ouvrage pour la formuler.

Kant ne mentionne pas encore les jugements synthétiques a priori dans le premier paragraphe du texte, et ne cite donc pas encore l’exemple « tout ce qui arrive à une cause ». Son objectif étant alors uniquement d’exposer la différence entre un jugement analytique et un jugement synthétique, il peut se contenter pour le moment des deux premiers exemples, qui présentent l’avantage d’avoir le même sujet, à savoir « tous les corps », auxquels on attribue, soit le prédicat « étendus », soit le prédicat « pesants ». Or le prédicat « étendu », remarque Kant « appartient » au concept de corps, il est déjà « contenu implicitement » dans ce concept, je ne peux pas prononcer le mot « corps » sans penser, au moins « confusément », à l’extension dans l’espace. En conséquence, « je n’ai pas besoin de sortir » du concept de corps pour trouver le prédicat « étendu » : je l’obtiens par « analyse », par une décomposition de ce concept dont il est une partie. Tout jugement de ce type mérite donc d’être appelé « analytique ». On pourrait également, suggère Kant, le qualifier « d’explicatif ». Dans la phrase « tous les corps sont étendus », le mot « sont » a en effet le sens de « c’est-à-dire » : tous les corps, c’est-à-dire tout ce qui occupe un espace. Mais le même mot « sont » n’a pas du tout ce sens lorsqu’on dit que « tous les corps sont pesants ». Celui qui décompose le concept de corps y trouvera bien l’extension dans l’espace, mais pas la pesanteur : « ici, note Kant, le prédicat est tout à fait différent de ce que je pense dans le simple concept d’un corps en général ». Ce qu’exprime alors le mot « sont », ce n’est plus une explication, c’est une « adjonction ». J’ajoute le prédicat « pesant » au concept de corps, j’opère une synthèse : le jugement est « synthétique ». On peut aussi le nommer « extensif », puisqu’en ajoutant au concept de corps ce prédicat nouveau j’étends ma connaissance de la réalité corporelle, j’apprends ce que j’ignorais tant que je me contentais de savoir utiliser correctement le mot « corps ». Tel est le sens profond de la distinction proposée par Kant. Le jugement analytique concerne l’usage correct d’un concept, il permet de développer son sens, de rendre plus « intelligible » ce qui a été « déjà pensé en lui ». Mais la connaissance, la science, exige autre chose que le « déjà pensé », elle exige l’augmentation, la synthèse, l’adjonction de ce qui « n’avait pas été pensé » : elle est du côté des jugements synthétiques.

Certes, d’un point de vue strictement grammatical, la distinction entre jugement analytique et jugement synthétique est imperceptible : dans les deux cas, un terme A semble relié à un terme B. Mais dès que nous avons saisi la distinction en question, nous comprenons que cette apparence est fausse dans les deux cas. Car le jugement analytique ne porte en réalité que sur un seul terme, puisque B fait partie de A. Quant au jugement synthétique, il met en jeu, non pas deux, mais trois éléments : le sujet A, le prédicat B, et en outre « quelque chose encore (X) sur quoi l’entendement s’appuie » pour reconnaître que le prédicat B, bien que n’étant « pas contenu » dans le sujet A, « lui appartient cependant ». On a coutume de symboliser par la lettre X l’inconnue d’un problème. Qu’un X soit nécessaire dans les jugements synthétiques et là uniquement, cela signifie que les jugements synthétiques posent un problème que les jugements analytiques ne posent pas. Et que ce X soit nécessaire pour fonder la synthèse, l’adjonction d’un prédicat à un sujet qui ne le contient pas, autrement dit l’acquisition d’un savoir, cela signifie que nous avons affaire au problème même de la connaissance.

Ce problème est résolu sans difficulté, soutient Kant, pour l’une des deux catégories de jugements synthétiques, à savoir les jugements « empiriques », ou « d’expérience », dont fait partie la proposition « tous les corps sont pesants ». Si nous demandons sur quel X notre entendement s’appuie pour reconnaître que le prédicat « pesant », qui n’est pas contenu dans le concept de corps en général, lui appartient cependant, la réponse est simple : c’est sur « l’expérience », plus précisément sur l’expérience « complète » ou « totale ». Les « caractères » déjà contenus dans le concept de corps, ceux que nous mettons en avant lorsque nous formulons sur le corps des jugements analytiques (« étendue », « impénétrabilité », « figure », etc.), ne constituent en effet « qu’une partie » de notre expérience des corps. Puisque nous trouvons qu’à ces caractères la pesanteur est « toujours liée », il nous est permis de voir en elle « une autre partie de cette même expérience », une autre partie du même tout, digne par conséquent d’être « ajoutée » à la partie précédente : c’est donc sur l’expérience, et sur elle seule, que se fonde ici « la possibilité de la synthèse » du prédicat « pesant » et du sujet « corps ».

Que le jugement synthétique « tous les corps sont pesants » soit fondé sur l’expérience, qu’il faille attendre l’expérience de la pesanteur pour pouvoir ajouter ce caractère à ceux que contient déjà le sens du mot « corps », cela permet, rétrospectivement, de mieux comprendre le statut du jugement analytique « tous les corps sont étendus ». On ne saurait imaginer que l’étendue ait été « ajoutée » à un concept antérieur de corps, car antérieurement à l’étendue, il n’y a pas de concept de corps. L’étendue est antérieure à tout, de même que l’impénétrabilité, la figure, bref tous les caractères qui sont « pensés dans ce concept » : tous constituent, écrit Kant, ce que je peux « à l’avance » connaître du corps. « À l’avance » : un jugement analytique tel que « tous les corps sont étendus » est forcément vrai a priori.

En revanche, le jugement synthétique « tous les corps sont pesants » ne peut être estimé vrai qu’a posteriori, après expérience. Et à ce moment du texte, nous sommes tentés de penser qu’il doit en être de même de tous les jugements synthétiques : comment une proposition ajoutant un caractère nouveau à ce qui est déjà pensé dans un concept pourrait-elle être vraie a priori ? Rien ne peut donc nous étonner davantage que l’irruption, au dernier paragraphe du texte, d’un troisième exemple de jugement, « tout ce qui arrive a une cause », qualifié par Kant de « synthétique a priori » : synthétique au même titre que le deuxième exemple « tout les corps sont pesants », et pourtant vrai a priori comme l’était le premier exemple « tous les corps sont étendus ». En présentant expressément cette troisième proposition comme un exemple, Kant suggère qu’il y a d’autres jugements synthétiques a priori, qu’à ses yeux la question n’est donc pas de savoir si de tels jugements existent, mais de comprendre ce qui les rend possibles. Qu’il soit possible, sans avoir besoin de recourir à la moindre expérience, d’attribuer à un concept A un prédicat B déjà contenu en lui, cela se conçoit sans peine ; qu’il soit possible d’attribuer à ce même concept un prédicat B qui n’était pas contenu en lui, mais que l’expérience permet de lui ajouter, cela ne pose pas problème non plus ; mais qu’il soit possible, sans recourir à l’expérience, d’ajouter à un concept A « un prédicat B qui lui est étranger », que nous ayons le droit d’effectuer « a priori » cette synthèse qui augmente notre connaissance, voilà qui demande à être établi.

La proposition « tout ce qui arrive a une cause » nous parle incontestablement de la réalité, mais elle n’en parle pas de la même façon que « tous les corps sont étendus » ou « tous les corps sont pesants ». À la différence de « tous les corps », l’expression « tout ce qui arrive » ne désigne pas un type d’objet particulier, mais un trait structurel de la réalité tout entière : le réel est constitué d’événements qui « arrivent » les uns après les autres dans le temps. Et alors que des prédicats comme « étendu » ou « pesant » ont une fonction descriptive, le prédicat « avoir une cause » a une fonction explicative : si un événement arrive, c’est qu’il « doit » arriver à cause d’un autre. Or j’aurai beau, argumente Kant, analyser autant que je le veux le concept « d’arriver », je n’y trouverai rien d’autre que l’idée « d’une existence que précède un temps », rien d’autre que la succession temporelle entre un état du monde où l’événement est absent et un autre état du monde où l’événement est présent. Je n’y trouverai pas l’idée, toute différente, d’un enchaînement explicatif où le premier état du monde « doit » précéder le second, où le second état du monde « doit » suivre le premier : « le concept d’une cause est tout à fait en dehors » de celui de ce qui arrive, il n’y est « nullement contenu ». Bref, la proposition « tout ce qui arrive a une cause » est bien un jugement synthétique.

Or pour pouvoir effectuer cette synthèse, pour pouvoir ajouter à ce qui arrive l’idée que cela doit arriver, « je n’ai pas l’avantage, remarque Kant, de m’orienter dans le champ de l’expérience ». Je suis donc, ici, « entièrement privé » du « moyen » qui me permettait d’ajouter le prédicat « pesant » au sujet « corps ». Car il s’agissait seulement, dans ce dernier exemple, d’ajouter un caractère descriptif (la pesanteur) à d’autres caractères descriptifs (l’extension dans l’espace, l’impénétrabilité, etc.) : je pouvais m’appuyer pour cela sur l’expérience, où le nouveau caractère se montre lié aux caractères anciens. Mais je n’enrichis pas la description de ce qui arrive quand je lui ajoute l’idée que cela doit arriver : je modifie complètement son sens. Ce qui se présente à moi sous la forme d’un simple cours du temps, je l’interprète comme un ordre du temps, une succession impérativement réglée, interdisant à ce qui vient avant de venir après, à ce qui vient après de venir avant. Cette modification de sens, ce n’est certainement pas l’expérience qui peut me l’enseigner. Pour pouvoir tirer une quelconque leçon de l’expérience, je dois être convaincu d’avance que les phénomènes que je vois se produire devront se reproduire chaque fois que les conditions seront identiques, bref que chacun de ces phénomènes est précisément l’effet d’une cause. Ce n’est pas l’expérience qui rend possible le jugement synthétique « tout ce qui arrive a une cause », c’est au contraire ce jugement synthétique qui rend l’expérience possible.

Lorsqu’on dit qu’un jugement analytique tel que « tous les corps sont étendus » est vrai a priori, on veut dire que ce genre de jugement est complètement fermé à l’expérience, imperméable à ce qui peut arriver, celui qui le prononce se bornant à développer le sens des mots. Un jugement synthétique tel que « tous les corps sont pesants » est en revanche ouvert à l’expérience, sensible à ce qui se produit dans le monde, susceptible d’être confirmé ou infirmé : pour cette raison il ne saurait être vrai a priori. La grande découverte de Kant, c’est qu’il existe des jugements qui sont synthétiques, ouverts par conséquent à l’expérience, mais dont la vérité est pourtant connue avant toute expérience, a priori donc, puisqu’ils exposent la connaissance sans laquelle aucune expérience ne serait possible, et du même coup aucune des sciences fondées sur l’expérience. Car si nous ne savions pas a priori que « tout ce qui arrive à une cause », nous ne pourrions pas tirer de l’expérience la certitude que « tous les corps sont pesants ». Il ne suffit pas, en effet, de constater à plusieurs reprises que la pesanteur est associée aux autres propriétés des corps, il faut se sentir autorisé à exprimer cette constatation sous la forme d’un énoncé universel (« tous les corps »), et pour cela être convaincu d’avance que la nature est régie par des lois, que les mêmes causes produisent toujours, nécessairement, les mêmes effets.

C’est sur des jugements synthétiques a priori que repose tout l’édifice de la science. Sur quoi donc reposent alors les jugements synthétiques a priori eux-mêmes ? Rappelons le problème posé par Kant, celui de l’inconnue X, du troisième terme nécessaire pour fonder la synthèse entre un sujet et un prédicat que ce sujet ne contient pas. Que ce troisième terme, ici, ne soit pas l’expérience, que le mot « expérience » ne puisse plus désigner ce qui fonde, mais au contraire ce qui a besoin d’être fondé, cela laisse entier le mystère du X pour les jugements synthétiques a priori. Ce problème n’est certes pas résolu dans notre texte, qui s’achève sur l’énoncé de l’énigme : « Comment parvenir alors à dire, de ce qui arrive en général, quelque chose qui en est entièrement distinct et à connaître le concept de cause, quoique non contenu dans celui de ce qui arrive, comme lui appartenant cependant et même nécessairement ? Quel est ici l’inconnu X sur quoi s’appuie l’entendement quand il croit trouver, hors du concept de A, un prédicat B qui lui est étranger mais qui est toutefois lié à ce concept ? » Comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ?, demande ainsi Kant dans l’introduction de la Critique de la Raison Pure : c’est le problème fondamental de la connaissance humaine, celui que la suite de l’ouvrage devra résoudre.

 

          En lien avec cette explication, on pourra lire, dans le chapitre « Penser avec les maîtres » :

                    - Kant : Le sens des limites

          Dans le chapitre « Conférences » :

                    - Temps et sens des catégories selon Kant

                    - La preuve ontologique

                    - La foi chez Kant

                   - Sur un prétendu droit de mentir

          Dans le chapitre « Explications de textes » :

                    - Kant : La réalité objective de la géométrie

                    - Kant : Le « type » de la loi morale

                    - Kant : Le jugement de goût

                     - Kant : Péché d’action et d’omission

          Et dans le chapitre « Notions » :

                    - Le Corps

                    - La Démonstration

                    - La Dialectique

                    - L’Expérience

                    - Le Jugement

                    - L’Objectivité

                    - L’Ordre

                    - Le Phénomène

                    - Le Possible

                    - La Raison

 

BIBLIOGRAPHIE

Boris BENDAHAN, L’invention du jugement synthétique a priori chez Kant, Paris, Éditions L’Harmattan, 2023

 

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