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L'Athéisme
L’ATHÉISME
Entre une affirmation et la négation correspondante, explique Bergson au chapitre IV de L’évolution créatrice, la symétrie n’est qu’apparente, et illusoire. Quand je dis « cette table est noire », c’est bien de la table que je parle, c’est sa couleur que je décris. Mais si je dis « cette table n’est pas noire », ma phrase ne décrit rien, et certainement pas une couleur « non-noire ». En fait, je ne parle pas ici de la table en question, je parle de ceux qui pourraient croire qu’elle est noire, je critique leur erreur, je les préviens qu’ils devront la corriger, mais sans entreprendre moi-même cette correction, laissant donc indéterminée pour l’instant la véritable couleur de la table. Toute négation, conclut Bergson, signifie qu’à une certaine affirmation il faudrait substituer une autre affirmation, sans toutefois préciser laquelle.
Si cette analyse vaut pour toute négation, elle doit valoir quand c’est l’existence même de l’objet qui est niée. On devrait donc pouvoir l’appliquer à la négation de l’existence de Dieu. En prononçant la phrase « Dieu n’existe pas », dira-t-on en ce sens, l’athée ne formule aucune espèce de jugement sur une réalité quelconque : il formule un jugement sur un autre jugement, le jugement « Dieu existe », et dénonce ce premier jugement comme étant erroné. C’est cette dénonciation, et elle seule, qu’il choisit de mettre en avant, laissant complètement dans l’ombre tout ce qu’il pourrait dire par ailleurs de positif quant à ce qui, à ses yeux, existe vraiment.
Cela revient à prétendre qu’il y aurait bien des athées, mais pas d’athéisme à proprement parler. La terminaison « -isme », en effet, dénote un certain contenu doctrinal. Or la pure et simple négation de Dieu, soutiendra-t-on, n’implique aucun contenu doctrinal précis, aucun ensemble de thèses dont on pourrait garantir qu’elles sont partagées par tous les athées, par tous ceux qui ne s’accordent que sur cette négation. Imaginons qu’on fasse au contraire de la négation de Dieu une doctrine, un engagement philosophique comparable à celui qu’implique l’affirmation de Dieu, mais un engagement dirigé en sens inverse. Au lieu d’être l’homme qui entend se débarrasser de Dieu, qui ne veut pas en entendre parler, l’athée serait alors un homme qui ne cesse de penser à Dieu, qui le met au centre de son système pour pouvoir s’opposer à lui. Il est permis de soupçonner un pareil « athéisme » d’être en réalité une invention de ceux qui s’opposent aux athées : rien ne leur serait plus favorable que d’avoir pour adversaires des hommes incapables de se passer de l’idée de Dieu, des hommes toujours contraints de s’y référer, même négativement.
Deux exigences doivent par conséquent être satisfaites si on veut parler de l’athéisme d’une façon sensée et pertinente. La première est évidemment de s’assurer que le terme « athéisme » n’est pas vide, donc d’établir, contre l’analyse bergsonienne qui précède, mais en accord avec l’opinion courante, qu’il est au moins possible de déduire directement, de la négation de l’existence de Dieu, certaines thèses bien déterminées sur l’homme et le monde. Mais il faut en même temps s’assurer, à propos de chacune de ces thèses, qu’elle n’est pas précisément celle que le croyant prête un peu trop volontiers à ses adversaires, et que c’est bien l’athée – l’athée lui-même, non l’athée tel qu’on voudrait qu’il soit – qui se reconnaît en elle. Et pour s’en assurer, il n’y a pas d’autre moyen, ici, que d’en appeler à l’athée en personne, à l’athée que je suis.
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Quelle philosophie attribuer à ceux qui nient l’existence de Dieu ? À en croire les déclarations mêmes de nombreux penseurs athées, l’athéisme semble partagé entre deux tendances fort différentes, et même apparemment incompatibles. Selon la première de ces tendances, la négation de Dieu a vocation à se substituer à son affirmation. Si Dieu n’existe pas, en effet, c’est toute une façon d’expliquer le monde et de fonder la morale qui se trouve disqualifiée. Le terme « athéisme » désigne alors le projet de substituer à ce système d’erreurs un système de vérités, de proposer une explication concurrente, des principes alternatifs. À une telle ambition, la deuxième tendance de l’athéisme renonce au contraire radicalement. Ce qu’implique en réalité la négation de Dieu, dit-on maintenant, c’est une privation : l’inexistence de Dieu laisse en nous le vide d’une question définitivement sans réponse, d’une aspiration à jamais inassouvie. Le terme « athéisme », avec son préfixe qualifié justement de « privatif », exprime alors une sorte d’injonction morale, l’injonction d’affronter cette situation sans faux-fuyants, avec lucidité et courage, car la vérité, même désespérante, est toujours préférable à l’illusion, aussi gratifiante soit-elle.
L’incompatibilité entre ces deux tendances semble évidente : il faudrait choisir entre l’athéisme qui met l’homme à la place de Dieu et l’athéisme de l’homme privé de Dieu. Ce choix apparemment inéluctable, l’athée que je suis le refuse pourtant : le véritable sens de la négation de Dieu, je ne le reconnais, ni dans l’ambition militante de ceux qui prétendent installer la science humaine sur un trône laissé vacant, ni dans la décision amère de ceux qui se résignent à une béance que rien ne comblera. Et malgré leur incompatibilité si évidente, c’est pour la même raison que ces deux tendances me paraissent trahir l’esprit authentique de l’athéisme en faisant de l’athée, à chaque fois, ce que ses adversaires voudraient qu’il soit.
La première tendance mentionnée contient certes un fond de vérité. On ne peut pas sérieusement nier Dieu sans admettre la possibilité de rendre compte de l’origine et de la structure de l’univers en invoquant autre chose que sa puissance créatrice, donc sans vouloir « substituer », en un sens très large, une certaine explication à une autre explication. La question, toutefois, est de savoir s’il faut entendre par là une substitution « parfaite », une substitution dans laquelle l’explication proposée aurait, en tant qu’explication, le même statut que celle qu’elle remplace et pourrait soutenir une prétention équivalente. Or cela est rigoureusement impossible. L’explication à laquelle l’athée s’oppose a pour caractère essentiel d’être une explication ultime : lorsque l’entité censée expliquer le monde est désignée par le terme « Dieu », il est inconcevable par principe que l’entité en question devienne à son tour l’objet d’une nouvelle explication. Ce point n’est pas secondaire, il définit au plus juste le statut exceptionnel que les philosophes ont toujours reconnu à l’idée de Dieu, l’idée d’une cause unique entre les causes parce qu’elle est la seule à ne pouvoir être l’effet d’une autre cause. Dieu a le monopole de l’explication ultime : en dehors de lui, on ne saurait imaginer une entité explicative telle qu’il serait impossible qu’elle apparaisse un jour comme ce qu’il faut expliquer à l’aide de nouvelles entités plus profondes ou plus pertinentes. À supposer même qu’une explication scientifique de l’univers finisse par être jugée de facto ultime parce qu’après des siècles et des siècles elle demeure l’explication de référence, cela resterait contingent, accidentel : ce statut d’explication ultime ne serait pas prescrit par la nature même des entités invoquées et n’aurait donc rien à voir avec celui qui ne convient qu’à Dieu seul.
Que le terme « Dieu » dénote le seul explicans ultime, cela interdit à l’athée de fournir une explication parfaitement substituable à celle de son adversaire. Signalons au passage que cela interdit également à cet adversaire de chercher dans la science des « preuves » de l’existence de Dieu. Considérons par exemple l’idée, très à la mode actuellement, selon laquelle la cosmologie moderne, à travers la théorie dite du « Big Bang », apporterait enfin la preuve que ce monde a été créé. Dans la mesure où cette théorie, du moins dans certaines de ses interprétations, semble assigner à l’univers un commencement qui n’est pas un commencement dans le temps, mais le commencement même du temps, elle fournit indéniablement un appui intuitif à cette conviction des croyants. La question est toutefois de savoir s’il y a bien là une preuve, et si c’est bien Dieu qui est prouvé. Pas plus qu’une autre, la théorie du Big Bang n’échappe par nature à l’éventualité de devenir un jour ce qu’une nouvelle théorie plus puissante aurait pour tâche d’expliquer. En faire une preuve de l’existence de Dieu, c’est donc s’en servir pour prouver ce qu’elle ne peut justement pas prouver, ce qu’on ne saurait en déduire puisqu’elle ne le contient pas. Entre le résultat effectif de cette prétendue preuve et son objectif affiché, un abîme subsiste, qu’on ne peut franchir qu’en sautant, par un acte de foi.
L’athée commet une erreur comparable lorsqu’il présente comme idéal de l’athéisme la substitution d’une explication ultime à une autre explication ultime. C’est de sa part une erreur stratégique, et surtout une erreur philosophique. D’une part, il fournit à ses adversaires une arme imparable : ils auront beau jeu de montrer que l’idéal en question n’est jamais atteint, qu’il ne peut pas l’être. Mais le point primordial est que l’athée se trompe alors sur ce que signifie « être athée », sur le sens de la négation qui le définit comme tel. Car que veut dire « nier Dieu », sinon nier ce qui est propre à Dieu, à savoir précisément l’idée d’explication ultime ? Et qu’est-ce que nier l’idée d’explication ultime ? Admettre qu’une telle explication est impossible ? Certes, mais cela ne suffit pas, car elle pourrait toujours apparaître comme un idéal, malheureusement inaccessible. La négation radicale de Dieu, autrement dit l’athéisme, doit soutenir que l’explication ultime est indésirable, qu’elle n’est pas du tout un idéal, que l’idéal consisterait au contraire en ce qu’aucune explication ne puisse jamais être la dernière. C’est en suivant cette idée que nous aurons une chance de définir le contenu positif de l’athéisme.
Un exemple va nous y aider. On a coutume d’associer l’athéisme au matérialisme. Si cette association est justifiée, ce n’est pas au sens où on l’entend généralement, au sens où le matérialisme permettrait justement d’opposer, à la conception religieuse du monde, une explication ultime équivalente. Si tel était son idéal, il l’aurait atteint dès le commencement, chez les philosophes atomistes de l’Antiquité, dans le tableau qu’ils brossaient d’un univers sans finalité où tout ce qui arrive résulte des collisions, rebondissements, agrégations et dispersions de morceaux de matière insécables, impénétrables, inaltérables, éternels, ultimes par conséquent. Tant qu’ils conservèrent ce statut d’éléments ultimes, les atomes se présentèrent comme la réalité invisible qu’on imagine pour rendre compte de la réalité visible : il était possible de douter de leur existence comme de celle de Dieu. Cette existence n’a pu être établie que lorsqu’ils cessèrent d’apparaître comme l’explication ultime, lorsqu’on put utiliser le mot « atomes » pour désigner un ensemble de phénomènes qu’il fallait désormais expliquer en invoquant d’autres entités (énergie, rayonnement, etc.), des entités qui n’avaient plus rien de « matériel » au sens ancien, substantiel, du terme. Le matérialisme ne s’est donc réalisé qu’en se dépassant : il s’est, dit Popper, « transcendé lui-même », tirant de son propre fonds davantage que ce qu’il pouvait donner.
C’est par cette étrange autotranscendance, et non par son enseignement initial, que le matérialisme nous éclaire sur le sens de l’athéisme. Nier Dieu, c’est opposer, à la transcendance absolue de l’être censé détenir la raison ultime de tout, la conviction que les explications humaines pourront toujours, dans une aventure sans fin, se dépasser vers d’autres explications plus puissantes qu’elles. C’est en quelque sorte l’acte de foi de l’athée, acte de foi dans le pouvoir qu’a l’homme de se tirer lui-même par les cheveux pour se sortir du marécage, comme on le raconte dans Les aventures merveilleuses du baron de Munchhausen.
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L’ambition de substituer à l’explication religieuse du monde une explication de même niveau recouvre donc plutôt un manque d’ambition : on croit pouvoir nier l’existence de Dieu sans devoir rejeter également le modèle explicatif dont l’entité nommée « Dieu » a le monopole. La même erreur, exactement, inspire la description apparemment opposée, mais en réalité complice, de l’athée éprouvant comme une privation l’absence de Dieu. Certes, on reconnaît alors l’impossibilité de l’explication ultime, mais comme cette explication conserve son statut d’idéal, comme on n’a pas compris qu’elle est au fond indésirable, son impossibilité paraît impliquer un renoncement douloureux. Un véritable athée devrait être au moins convaincu, me semble-t-il, qu’on ne se prive de rien quand on nie ce qui n’existe pas.
Qu’y a-t-il d’indésirable, au juste, dans l’explication ultime ? Toute explication, ultime ou non, consiste à expliquer le connu par l’inconnu. L’explicandum doit toujours être une entité assez familière pour qu’on s’accorde sur elle sans qu’il soit possible de douter de son existence. Censé relever d’une couche plus profonde de l’être, l’explicans se présente généralement, au contraire, comme une entité hypothétique, souvent difficile et parfois même impossible à percevoir, une entité virtuellement litigieuse par conséquent. L’explicandum, c’est par exemple la foudre, ou le lapsus, ou encore le monde où nous vivons ; l’explicans, cela peut être la charge électrique, l’inconscient, ou Dieu. Refuser l’explication ultime, c’est alors ne pas se résigner à ce que la raison des choses, inscrite à jamais dans l’inconnu qu’on appelle « Dieu », nous échappe définitivement, c’est avoir foi dans notre pouvoir de repousser indéfiniment les limites de la réalité connue en y intégrant d’anciennes entités explicatives devenues des phénomènes à expliquer. Y a-t-il une raison plus forte de nier Dieu ? Loin de priver l’athée, de le frustrer en quoi que ce soit, cette négation le définit comme étant celui qui ne renonce pas, et ne renoncera jamais, à satisfaire son désir de connaître.
D’où vient alors l’idée si répandue d’une nature foncièrement privative de l’athéisme ? « Ayant nié l’existence de Dieu, prétend-on, l’athée se trouve démuni devant certaines grandes questions (sur l’origine des choses, le sens de la vie et de la mort, etc.) auxquelles d’autres peuvent répondre précisément en invoquant cette existence. Même si ce silence est préférable à une réponse illusoire, il n’en est pas moins insatisfaisant et frustrant par lui-même. » Les « grandes questions » auxquelles ce discours souvent entendu fait allusion ont un statut très particulier. On pourrait les appeler des questions premières car elles sont censées se poser avant toute théorie, toute acquisition de connaissance, se poser par conséquent depuis la nuit des temps, dans la conscience de tout être humain, et demeurer identiques à elles-mêmes à travers l’histoire, étrangères à toute influence, à tout progrès, conservant imperturbablement la même formulation. Être premières leur est essentiel, ce qui les distingue radicalement de toutes les autres questions, à qui il est au contraire essentiel de ne pas être premières. Ces autres questions, et particulièrement celles que fait surgir notre effort pour connaître le monde, ne peuvent en effet se poser qu’après. Il faut qu’une théorie quelconque soit déjà là, déjà admise, et il faut que cette théorie, pour telle ou telle raison, apparaisse un jour moins évidente, il faut que son pouvoir de rendre compte de ce qui arrive éveille désormais des soupçons, pour que naisse, sous forme de questions, le désir de mieux comprendre la réalité. À la différence des questions premières, ces autres questions ne sauraient demeurer identiques à travers le temps. Pour répondre aux question soulevées aujourd’hui par une théorie devenue incertaine, il faudra inventer demain une théorie nouvelle, donner du monde une image déconcertante tant elle différera de celle qui nous était familière, ce qui fera surgir après-demain des questions pour le moment imprévisibles et même insoupçonnables.
Ce dernier point montre le lien étroit entre les « questions secondes » et l’autotranscendance dont nous avons déjà parlé. Et il est clair, d’un autre côté, que les « question premières » font corps avec l’idée d’explication ultime, et avec l’être qui en détient le monopole. Face à une question première, en effet, il n’y a que l’alternative suivante: soit ne pas pouvoir répondre, soit répondre une fois pour toutes, définitivement.
Comme tout un chacun, l’athée est exposé au risque de ne pouvoir répondre à toutes sortes de questions secondes. Peut-être faut-il dire qu’il l’est plus que d’autres, du fait même de son athéisme. Ce qui doit en effet éveiller son intérêt, dans une théorie explicative quelconque, ce n’est pas tellement l’ensemble des choses que cette théorie permet d’expliquer, l’ensemble des difficultés qu’elle permet de résoudre. Cet office, l’hypothèse « Dieu » peut aussi bien le remplir, procurant à ses partisans une satisfaction que rien ne vient contrecarrer. Ce qui éveille plutôt l’intérêt spécifique de l’athée, et qui n’a pas d’équivalent quand on affirme Dieu, c’est l’autre versant de l’explication proposée : non pas ce qui s’éclaire si on admet sa vérité, mais ce qui devrait être vrai pour qu’elle le soit. Cet intérêt spécifique suscite des questions tout à fait différentes de celles que la théorie en question est censée résoudre, des questions nouvelles, nécessairement déconcertantes puisqu’elles portent sur un secteur encore inexploré de la réalité. S’il n’y a pas d’explication ultime, et si toute explication explique le connu par l’inconnu, le progrès de la connaissance humaine ne peut être, en un sens, qu’un progrès de l’ignorance humaine.
Mais ce n’est pas là, ce n’est pas dans cette ignorance « instruite » que se situe la prétendue privation de l’athée : elle concerne exclusivement son rapport aux questions premières. Qu’en est-il au juste de ce rapport ? Intéressons-nous à un personnage dont l’histoire des sciences offre un nombre non négligeable d’exemplaires, le personnage du « scientifique chrétien ». Souvent à la point de la recherche, capable de répondre aux questions secondes les plus élaborées et d’en poser de nouvelles, le scientifique chrétien donne en même temps aux questions premières la réponse qu’elles sollicitent, à savoir l’affirmation de Dieu et de sa puissance créatrice. Et à ceux qui s’inquiètent de la difficulté, souvent patente, d’accorder entre elles ces deux réponses, le scientifique chrétien explique qu’il n’y a là aucune incompatibilité, que les deux réponses peuvent coexister puisqu’elles se situent sur deux plans différents, l’une relevant du savoir, l’autre de la foi. Rien n’illustre mieux l’indépendance des deux sortes de questions. Si nous reprenons à notre compte l’explication fournie par le scientifique chrétien, nous dirons que c’est bien « ne pas savoir », faire preuve d’ignorance, que de ne pas pouvoir répondre à une question seconde : ignorance instruite à laquelle l’athée, comme tout un chacun, est exposé. Mais toujours selon cette explication, si c’est bien « ne pas avoir la foi », en l’occurrence « ne pas croire en Dieu », donc être athée, que de ne pas pouvoir répondre aux questions premières, ce n’est en rien un « ne pas savoir », une ignorance, ce n’est donc en rien une privation pour l’athée.
On se trompe sur l’athéisme lorsqu’on lui attribue le projet de se substituer entièrement à ce qu’il nie : on ne voit pas alors que la négation de Dieu implique la négation de l’explication ultime dont Dieu a le monopole. On se trompe de nouveau sur l’athéisme lorsqu’on imagine l’athée privé de ce qu’il nie : on ne voit pas alors que la négation de l’explication ultime implique le rejet des questions premières qui l’appellent nécessairement.
En lien avec cette conférence, on pourra lire, dans le chapitre "Penser avec les maîtres",
- Bergson: L'idée de néant
- Popper: L'erreur est humaine
Et dans le chapitre "Notions",
- L'ignorance
- La matière
Lecture conseillée, pour un point de vue tout à fait différent:
- André Comte-Sponville, L'esprit de l'athéisme, Introduction à une spiritualité sans Dieu, Paris, Ed. Albin Michel, 2006
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